Élodie Schisano est une personne valide qui s'est engagée dans une aventure exceptionnelle : accueillir U2, un labrador de 10 mois destiné à devenir chien guide d'aveugle. Au cours d’un échange fort enrichissant, elle nous explique les raisons de son engagement et les défis qu'elle rencontre au quotidien.
Comment vous est venue l’idée de prendre un chien élève guide d’aveugle ?
J’ai fait la connaissance de l’association Cecidev en septembre 2023, dont la mission est d’éduquer des chiens destinés à devenir des guides d’aveugles. En octobre, j'ai pris contact avec eux parce que le projet m'intéressait. C’est une démarche que j’ai toujours voulue faire parce qu’il y a une personne malvoyante au sein de ma famille. Mais au-delà de ça, j'ai toujours aimé tout ce qui est de l'ordre de l’éducation animale.
Comment avez-vous préparé la venue de U2 au bureau ?
C’est une démarche bénévole et vertueuse qui s'est faite dans le respect des collègues et du vivre ensemble. D'abord, j'ai fait une demande auprès de Madame la Maire des 6/8, Olivia Fortin et le DGS qui devaient s'assurer, si le chien m'était confié, que ça ne poserait pas de problème pour le fonctionnement des services. Ensuite, j’ai fait le tour de mes collègues pour les sonder. Si quelqu'un dans le même bureau que moi ou dans un bureau proche se serait senti angoissé par la présence du chien, l'opération n’aurait pas été réalisable. Enfin, j’ai pris attache avec la Cellule handicap de la Ville qui a rédigé une charte que j'ai cosignée avec le DGS dans laquelle je m'engage à assurer la continuité de mon travail, à ne pas déranger mes collègues avec l'hygiène du chien ou la peur qu'ils pourraient ressentir à l'égard des chiens.
Quel est votre rôle en tant que famille d’accueil ?
C'est un travail d'éducation qui demande beaucoup de responsabilité. Je dois faire des sorties régulières pour travailler la concentration de U2 en tenant compte du rythme de l’association. Une semaine par mois, le chien est en apprentissage à l’association. Les trois autres semaines, je lui apprends à se sociabiliser. Nous suivons ce cycle pendant 13 mois, puis, selon ses progrès, nous passons à deux semaines en famille d’accueil et deux semaines à l’association. L’apprentissage se termine au bout de 24 mois. Mon rôle est de l’amener partout afin qu’il s’habitue aux enfants, aux personnes âgées, au milieu professionnel. Par exemple, quand il vient travailler avec moi, je lui apprends à être calme. Je vais en réunion sans souci, car il n'est pas en stress quand je ne suis pas là.
Quelle est votre routine ?
Quand j'arrive le matin, U2 passe dire bonjour aux collègues de la mairie. La majorité, pour ne pas dire la totalité, l'aime bien. Une fois que je commence à travailler, je lui enlève sa laisse : il dort, il fait sa vie. Il comprend à ce moment-là qu’il est en mode détente et non en mode guidage.
Quand il est en guidage, il doit marcher droit et ne pas être distrait. Il doit signaler les montées ou descentes d’escalier, les trottoirs, les passages piétons. Quand il a le gilet du guidage, il sait qu’il doit obéir uniquement à mes ordres et ne pas se laisser distraire par un pigeon ou une personne qui veut le caresser. Les gens savent aussi qu’il ne faut pas l’appeler parce qu'il est en train d'apprendre à se concentrer. Sur ce point, mes collègues sont tous d'une extrême bienveillance.
Est-ce que vous pouvez amener U2 dans les transports en commun ?
Oui, d’ailleurs, je vais prendre au mois de septembre l’avion avec lui. En fait, j'ai les mêmes droits qu’un malvoyant ou un aveugle. C’est pour qu'il puisse être à l'aise dans toutes les situations. Un aveugle peut aller partout. Mais, par exemple, pour le train, on m'a demandé de fournir un document légal. C'est assez rare, honnêtement. Depuis que j'ai U2, j’ai eu 2 ou 3 cas de figure.
Est-ce qu’il y a une race spécifique de chien destiné à être guide d’aveugle ?
La plupart des chiens sont des labradors. Ce sont des chiens d'une intelligence remarquable, très gentils et qui s’adaptent vite. L’association veille à recruter des chiens mentalement stables qui ne craignent pas l'homme. Ils ne se sentent pas en stress quand ils sont seuls et ne paniquent pas quand ils changent d'endroit.
Voudrez-vous retenter l’expérience ?
Oui, je suis persuadée que je renouvellerai l'expérience. La présence d'un animal près de soi est extrêmement positive au travail. Je peux comparer la présence des animaux dans un lieu, comme au rayon du soleil dans la nature.
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À noter : Depuis la signature de la convention FIPHFP, et grâce à l'action de la Cellule handicap, plus de 300 agents se sont déclarés pour être reconnus en qualité de travailleur handicapé (RQTH) et 14 recrutements de personnes en situation ayant communiqué sur leur handicap ont été réalisés. Un engagement qui se concrétise donc grâce à des actions de sensibilisation et de communication à destination des agents de la Ville de Marseille.